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Barème "Macron" : La Cour de Cassation donne son avis

La question du barème dit « Macron » issu de l’ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail est encore et toujours d’actualité devant les conseils de prud’hommes (barème jugé conforme par le Conseil de prud’hommes de Saint Nazaire le 24 juin 2019 n°18/00105) vs barème écarté par le Conseil de prud’hommes de Longjumeau le 14 juin 2019 n°18/00391).

En application de l’article 441-1 et suivants du code de l’organisation judiciaire, plusieurs Conseil de prud’hommes ont transmis une demande d’avis devant la Cour de cassation afin d’apprécier cette disposition législative au regard des textes internationaux ou européen.

Pour mémoire, cet article dispose qu’« avant de statuer sur une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, les juridictions de l’ordre judiciaire peuvent, par une décision non susceptible de recours, solliciter l’avis de la Cour de cassation ».

Le Conseil de Prud’hommes de Louviers sollicite l’avis de la Cour de cassation sur « l’article L.1235-3 du Code du travail qui prévoit, en cas d’ancienneté du salarié licencié égale ou supérieure à une année complète et inférieure à deux années complètes, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse minimale d’un mois et une indemnité maximale de deux mois, est-il compatible avec les articles 24 de la Charte sociale européenne et 10 de la Convention n°158 de l’OIT en  ce qu’ils prévoient le droit pour le salarié licencié de percevoir une indemnité adéquate, ainsi qu’avec le droit au procès équitable protégé par la Convention Européenne des Droits de l’Homme ? » (CPH Louviers 10 avril 2019 n°17/00373).

Le Conseil de prud’hommes de Toulouse élargi la question sans la caler aux faits de l’espèce est pose une question de principe : « l’article L 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017, instaurant un barème d’indemnisation du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, est-il compatible avec les dispositions de l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT et celles de l’article 24 de la Charte sociale européenne ? »

Ainsi, les Conseils de Prud’hommes sollicitent l’avis de la Cour de cassation concernant l’articulation entre un texte législatif interne et des textes internationaux.

Or, la Cour de cassation, dans un avis du 12 juillet 2017 (n° 17011) avait précisé que « les questions en ce qu’elles concernent la compatibilité (…) du code du travail avec la convention n°158 de l’Organisation internationale du travail relative à la cessation de la relation de travail à l’initiative de l’employeur, ne relèvent pas de la procédure d’avis (…) l’office du juge du fond étant de statuer au préalable sur cette compatibilité ».

La Cour de cassation, s’est réunie le 8 juillet 2019, dans sa formation la plus solennelle, à savoir la formation plénière et les avis ont été rendus le 17 juillet 2019 (Avis n°15012 et 15013 du 17 juillet 2019).

Premièrement, la Cour revient sur sa décision du 12 juillet 2017 et s’estime compétente pour se prononcer sur la conventionnalité des dispositions du Code du travail par avis.

Ainsi, selon la Cour de cassation : « la compatibilité d’une disposition de droit interne avec les dispositions de normes européennes et internationales peut faire l’objet d’une demande d’avis, dès lors que son examen implique un contrôle abstrait ne nécessitant pas l’analyse d’éléments de fait relevant de l’office du juge du fond ».

Sur le fond, la Cour de cassation estime que :

  • Les dispositions énoncées par l’article L.1235-3 du Code du travail ne constituent pas un obstacle procédural entravant l’accès à la justice. Ainsi, la Cour de cassation n’a pas à se prononcer au regard de l’article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantissant le droit à un procès équitable.
  • Les dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne laissant une marge d’appréciation aux Etats ne sont donc pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.
  • Les dispositions de l’article 10 de la Convention OIT n°158 énonçant le versement d’une indemnité « adéquate » laissent aux Etats parties une marge d’appréciation.

Cette marge de manœuvre laissée par l’utilisation de cette locution « adéquate » fonde pour la Cour de cassation la compatibilité entre l‘article L.1235- 3 du Code du travail et l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT car les états peuvent « user de (leurs) marge d’appréciation ».

Dès lors, la Cour de cassation valide la compatibilité entre le barème et les textes internationaux.

Il convient désormais d’attendre les premières décisions au fond rendues par les Cour d’appel de Paris et de Reims attendues toutes les deux le 25 septembre 2019.

L’avis ne liant pas les juridictions, les décisions des Cours d’appel sont attendues avec impatience. Nul doute que ces décisions (validant ou invalidant le barème) feront l’objet de pourvois afin que la Cour de Cassation rende un arrêt sur cette question.

Compte tenu de l’importance des enjeux, une décision de la Cour de cassation devrait intervenir dès le début de l’année 2020 et une décision de l’Assemblée Plénière serait opportune pour clore définitivement ce débat.

Le Cabinet La Garanderie Avocats ne manquera pas de vous tenir informé.

le 17/07/2019

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